Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monseigneur, je vous escrivis dernièrement d’Avignon par commandement
2de monseigneur le marechal comme il vous avoit escrit à la requeste de monsieur de
3Suse que vous voulussiés doner le commandement des compagnies
4de Daufiné à son fils, à ce que vous proveussiés et pensissiés ce
5qu’il vous plairoit et seroit plus à propos. J’addressay la lettre à
6monsieur d’Ourches par le moyen de monsieur du Teil qui luy envoyoyt
7son laquais. Depuis, j’ay receu vos lettres des Xe et XIIIe de ce moys
8par où je veoys que monseigneur le prince daufin vous veut ouster de
9ceste peine. Mais nous craignons que cela apporte longueur à
10la levée et que les compagnies n’en seront pas si belles, mesmes
11s’il envoye des gens qui ne soyent du pays ou que n’y ayent crédit,
12dont mondit seigneur le marechal est bien marry. Quant à monsieur de Montbrun,
13il vous a aussi mandé les advertissements et lettres qui luy en ont esté mandées.
14Cela a esté cause que, ayant trouvé en Avignon monsieur de Rochefort
15son cousin, je m’advisay de luy faire une bonne recharge à ce que, pour
16éviter toutes soupsons et calumnies, il ne se laisse approcher ces gens-là
17ny chose qui viennent d’eux et que sy luy en tumbe aucun en
18main, il les remecte en justice. Quant aux advis de Grane
19et autres, mondit seigneur le mareschal, vous et moy eussions fait un papct.
20Après plusieurs allées, venues, plainctes, bravades et déguysements,
21monseigneur le mareschal a déclaré que monsieur le comte de Grignan mectra au
22château un gentilhomme catholique, bon et asseuré serviteur du roy, avec semblable
23nombre de souldas qu’il y a de présent pour la garde
24dudit château, au despens des subjects du comté, le quel
25gentilhomme sera nommé à monsieur de Carcès pour estre
26par luy approuvé s’il le merite ; et vous promets que j’ay deshormais
27honte d’en ennuyer si souvent ce bon seigneur. Dieu vueille que n’y faille
28plus retourner. Au surplus, Monseigneur, j’ay depuis
29receu une lettre de mon frère qui me chausse fort les esperons
30par laquelle il me fait sentir le prejudice que ce luy sera et
31incommodité à moy si, pour mon attente, son retour est retardé, dont il
32cuyde diviner quelques occasions ; qui me mect en toute la peine du
33monde, car je crains plus et auroys plus de regret de luy prejudicier
34qu’à moy mesmes, de sorte que j’ay fait une recharge à monseigneur de
35[v] Morvillier à ce que me soit au plus tost mandé ce que
36j’ay à faire, et si en toutes sortes j’ay à y aller,
37que me soit mandé plus tost que tard. Si je ne vous veoy
38si tost, je vous escriray par le premier d’un discours de monsieur
39de Suse et dispute que nous avons eue en bonne compagnie,
40vous en estiés le subject, où monseigneur le maréchal se
41monstra fort affectionné à vous. Quant au fait de monsieur
42d’Ourche, j’en suis en toute la peine du monde
43si esperè-je que nous en viendrons à bout et par mesme
44moyen de l’assignation de messieurs le président de Portes,
45de Bouqueron et Bouffin, et me promecttent que n’y
46aura que l’attente ; je vous promects que si se fust
47esté pour moy, j’eusse plus tost escrit dix
48lettres à la court que de leur parler, prier et protester
49si fort et si souvent, mais il faut supporter
50ces supercheries pour les amys.
51Monseigneur, je me recommande très humblement à votre
52bone grâce et supplie Notre Seigneur qu’il vous done
53en toute prospérité très longue et heureuse
54vie. De Beaucaire, le XXIIe
55jour de decembre.
56Votre très humble et très obéissant
57serviteur. Bellievre
58Madame de Gordes et monsieur de
59La Roche verront icy s’il leur plait
60mes semblables recommandations
61[318] Monseigneur le maréchal est en peine de recouvrer de bons canoniers, il vous plaira mander si vous en scavés en Daulphiné ou en Savoye, où il me semble qu’il y en a communemment davantage.